Pendant des siècles, le pays de nos avantpas-sats a été l'enjeu des luttes franco-espagnoles ou franco-aragonaises… Mais remontons ici à la fin du XV ème siècle… Après avoir bien positionné géographiquement ce col (voir la carte IGN 2448 OT), j'évoquerai les rois en conflit à l'époque : pour la France Charles VIII, pour l'Espagne les " Rois catho-liques " Isabelle la Catholique et son mari Fer-dinand d'Aragon ; avec enfin, pour conclure, un récit de cette bataille… 1°) Situation géographique : Lu dans la Gran Enciclopèdia Catalana : Coll de la Batalla. Coll (265 m) de la serra que separa les valls de l'Aglí i de la Tet, al Rosselló. És termenal dels municipis de Bellestar de la Frontera (Fenolleda), Montner i Millars (Rosselló), i límit tradicional de Catalunya amb el regne de França des del s. XIII.. Ce col est donc situé entre Estagel et Millas : sur la D612 (orientée Nord-Sud) ; au croise-ment avec la D38 (orientée Est-Ouest) allant de la chapelle de Força Real au château mé-diéval de Caladroy. Le hameau de Caladroy faisait partie, jusqu'au XVIIIe siècle, du terri-toire de Millas. Signalons qu'il a été rattaché sous la Révolution à la commune de Belesta. J'insiste sur ce point pour revenir sur la posi-tion historique de Belesta dans les années au-tour de 1496… Le site de Jean TOSTI en fait le descriptif : http://jeantosti.com/villages/belesta.htm … " Vaste commune de 2030 hectares, Bélesta (Bélesta-de-la-Frontière ou Belestar de la Frontiera) se trouve à la frontière entre pays " gavatx " et pays catalan, frontière linguisti-que mais aussi politique à partir de 1258, et matérialisée par des bornes éparses dans la garrigue. On atteint Bélesta depuis Ille-sur-Tet en re-montant le cours de la Crabayrisse (la " rivière des chèvres "). Mais on peut aussi arriver dans la commune par l'est, depuis le col de la Ba-taille, par une route qui nous mène au plateau de Caladroy avec son château entouré de quel-ques maisons, puis, au milieu des vignes, conduit jusqu'au village. C'est également en traversant les vignes que, depuis Néfiach, une route étroite permet de monter jusqu'à Llebrès et à Bélesta. En effet, la vigne est quasiment la seule culture de la commune, et elle s'étend sur presque tout le territoire, aussi bien sur les schistes que sur le granit, le grès ou le calcaire (la géologie de Bélesta est très riche, on trouve même des grenats près du château de Caladroy) ". 2°) Le roi de France Charles VIII : Né à Amboise, le 30 juin 1470, il était le fils de Louis XI et de Charlotte de Savoie. Quand son père est mort, en 1483, il a alors 13 ans. Sa sœur Anne de Beaujeu assure la régence avec son mari… À sa majorité, Charles VIII épouse Anne, duchesse de Bretagne et cette union prépara le rattachement du grand fief de l'Ouest à la cou-ronne de France. N'oublions pas qu'il avait hérité de son père les comtés de Roussillon et de Cerdagne. Cela re-montait au traité de Bayonne signé le 9 mai 1462 entre le roi de France Louis XI et le roi d'Aragon Jean II. Pressé par la nécessité d'asseoir son pouvoir contesté dans son propre royaume, Jean II rechercha et paiera très cher l'aide de Louis XI. Afin de garantir une dette de 300 000 écus d'or correspondant au prix d'un secours de 700 lances, il donna hypothèque sur tous les biens et revenus des comtés de Roussil-lon et Cerdagne, avec droit de tenir les châteaux de Perpignan et de Collioure. Le traité de Bayonne de 1462 permettait ainsi à Louis XI de prendre pied en Roussillon. 3°) Les guerres de Charles VIII : En 1493, Charles VIII avait décidé sous le coup de différentes pressions de se débarrasser du Roussillon et de la Cerdagne. Il s'agissait pour lui d'une part de faire preuve d'une solide amitié entre son pays et son voisin, le royaume d'Aragon et de Castille, mais aussi et surtout d'avoir les mains libres (Nota : il en fit de même avec Maximilien d'Autriche pour lui abandonner l'Artois et la Franche-Comté), sa-crifiant ainsi la sécurité du pays à d'aléatoires conquêtes. Toujours opposés à la France, les Roussillon-nais n'arrêtaient pas de se rebeller contre leurs autorités. Or le roi ne voulait pas avoir d'autre engagement pour monter une expédition à venir en Italie. C'est donc tout content qu'il rétrocéda ces terres encombrantes. La restitution des terres Nord de la Catalogne à l'Espagne fut conclue à la signature du traité de Barcelone, le 19 janvier 1493. Six mois plus tard, soit le 13 juillet 1493, le roi Ferdinand d'Aragon et la reine Isabelle de Cas-tille entrent à Perpignan, acclamés par la population. Il faut dire que les Perpignanais se croyaient libérés du joug des oppresseurs, mais ils déchanteront rapidement : ils durent faire face à l'oppression aragonaise. En effet ceux-ci mirent en place un système de gouvernement centralisé qui ne laissait pas de place aux tradi-tions politiques de la Catalogne. Le jeune roi Charles VIII rêve de coups d'épée et de conquêtes. Son ambition principale -la conquête de l'Italie- a pour origine le legs, fait par le roi René d'Anjou à Louis XI de ses do-maines et de ses droits sur la couronne de Na-ples. Nouveau roi de France, il prend donc ce prétexte pour faire valoir ses droits, et se lance dans l'invasion de l'Italie, entrant en Italie le 2 septembre 1494… Notons cependant que les princes italiens (l'Italie était alors morcelée en un nombre important de petits états) sont fré-quemment obligés de faire appel à l'étranger. On se souvient que Charles VIII s'était assuré auparavant auprès de Ferdinand d'Aragon (qui était aussi roi de Naples…) et de Maximilien d'Autriche, de leurs neutralités nécessaires à la réussite de son expédition. Malgré cela, et après 5 mois de victoires, les déboires s'accumulèrent ! L'aventure italienne fut sans lendemain et Charles VIII rentra assez vite en France, rapportant cependant en butin une quantité non négligeable d'œuvres d'art… En 1496 Charles VIII de France attaqua à nouveau le Roussillon. Ainsi le 9 octobre 1496, une incursion de son armée mit à sac Salses et son vieux château médiéval avant de se retirer dans les Corbières. Il faut dire qu'on avait mis le paquet, avec les 30 pièces d'artillerie du maréchal de Saint-André à la tête d'une armée française de 18 000 hommes ! Cette attaque poussa le roi d'Aragon à mieux protéger la frontière Nord de son royaume en verrouillant le seul passage praticable entre les marais et les collines, justement à Salses. C'est ainsi que dès juin 1497 fut entrepris -à la place de l'ancien château en ruine- la construction de la nouvelle forteresse de Salses, sous la conduite du maître d'œuvre, un Aragonais du nom de Francisco Ramiro Lopez. Il faut dire à la décharge de Charles VIII que l'on reprochait à Ferdinand d'Aragon sa versati-lité et sa fourberie qui lui valurent également le surnom de Rusé. Ferdinand d'Aragon se joua de la bonne foi de Charles VIII et de son succes-seur Louis XII, et se montra tantôt leur allié et tantôt leur ennemi. Il fut habilement secondé dans ses entreprises par son ministre, le cardinal Ximénès, et dans ses conquêtes par son général Gonsalve de Cordoue. Ainsi donc se situe en 1496, la bataille évoquée aux abords du fameux col qui nous intéresse, près du château de Caladroy dont la possession semble avoir cristallisé à la fin du Moyen-Âge les luttes entre armées catalanes et françaises. L'un des épisodes les plus connus se situe en janvier 1496, il donna par la suite son nom au col : le col de la bataille. Voici ce que raconte Jean TOSTI dans son site sur internet (cf sa référence en début d'article) : " … Sous les ordres de Joan de Leyna, un déta-chement catalan s'empare du château de Cala-droy, pendant que de leur côté les Français vont piller les troupeaux de Millas. Joan de Leyna prend le titre d'alcalde de Caladroer, avant qu'une trêve le pousse à se retirer. Mais en 1498 les Catalans reviennent et occupent à nouveau le château. Après avoir changé de mains à plu-sieurs reprises au Moyen-Âge puis au XVIe siècle, la seigneurie de Bélesta passa en 1662 aux mains de François de Niort, dont la famille conserva les droits seigneuriaux sur le village jusqu'à la Révolution. Racheté il y a quelques années par la commune, le château abrite au-jourd'hui un musée de la Préhistoire. De son côté, le château de Caladroy a continué de de-meurer propriété privée, et aujourd'hui encore il est au centre d'un important domaine viticole ". Épilogue pour Charles VIII : En 1498, l'envie lui reprit d'une nouvelle expé-dition vers l'Italie quand, le 7 avril 1498, il heurta du front le linteau d'une porte du château d'Amboise, succombant presque aussitôt. Il laissa le trône (son fils unique décédé quel-ques années avant) à son cousin, le duc d'Orléans, qui prit le nom de Louis XII. Moralité catalaneEl món no s'ha fet en un dia. ou : El món no va ésser fet en un dia. (Le monde -ou "Paris"- ne s'est pas fait en un jour). ou mieux encore : Barcelona i Perpinyà no es feren en una nit. (Barcelone et Perpignan ne se sont pas faites en une nuit). |